Du 14 au 15 mai, Waro participait au salon Fashion Act à Paris, un rendez-vous devenu incontournable pour les acteurs de la mode engagés dans la transformation durable du secteur textile. Cette édition 2025 aura été marquée par des prises de position fortes, des avancées réglementaires décisives, et un mot d’ordre partagé : il est temps de faire le tri entre les modèles responsables et les pratiques destructrices de l’ultra-fast fashion.
La conférence animée par Victoire Satto, fondatrice de The Good Goods, lors du salon Fashion Act 2025 a mis en lumière les enjeux cruciaux de la loi anti-fast fashion, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale en mars 2024, mais actuellement ralentie par le Sénat. Malgré un accueil initial très favorable dans les médias, la loi peine à avancer, notamment en raison d'un embouteillage législatif.
Julia Faure, représentante d’En Mode Climat, a souligné l’urgence de réguler rapidement les pratiques destructrices de la fast fashion, en précisant que l'absence de réglementation claire risquait d'entraîner une généralisation inquiétante de ces pratiques.
“Le problème, ce ne sont pas uniquement les marques comme Shein, ce sont les pratiques qui risquent de se généraliser. Si on ne régule pas, tout le monde va vouloir devenir un mini-Shein.”
Anne-Cécile Violland, députée Horizons, a rappelé que la loi était initialement très ambitieuse, visant spécifiquement à freiner les dérives environnementales et sociales incarnées par des acteurs comme Shein et Temu.
Toutefois, suite à son passage en commission, l’ambition du projet de loi a été revue à la baisse, en particulier sur deux enjeux clés :
Pour la première fois, le texte propose d’inscrire dans la loi une définition claire de la fast fashion. Celle-ci repose sur plusieurs critères cumulatifs
L’objectif est de distinguer les pratiques dites « ultra-éphémères », incarnées par des acteurs comme Shein ou Temu, d’un modèle de mode éphémère plus classique. Cette distinction permettrait d’appliquer des règles plus strictes aux entreprises considérées comme les plus nocives sur le plan environnemental et social.
Le texte prévoit également la mise en place d’un système de modulation financière destiné à encourager les bonnes pratiques et pénaliser les modèles très polluants. Ce système de bonus-malus permettrait de tenir compte des «coûts environnementaux» d'une production excessive.
Cependant, ce point fait encore débat :
Autre point structurant de cette proposition de loi : la régulation de la publicité pour les entreprises de fast fashion. L’idée initiale était d’interdire toute forme de promotion pour les produits très polluants, à l’image de ce qui existe pour le tabac ou les énergies fossiles.
Mais cette interdiction a été fortement atténuée lors des discussions au Sénat. Le texte actuel ne cible que les partenariats rémunérés avec des influenceurs, ce qui laisse de côté la majorité des canaux publicitaires, notamment les publicités payantes en ligne (search, social, display) ou en affichage urbain.
Avant le vote final qui interviendra au sénat début juin, les fédérations du secteur se mobilisent pour redonner au texte son ambition initial sur ces deux critères en défendant notamment :
L’enjeu est clair : ne pas se contenter d’une loi symbolique, mais faire de cette régulation un véritable levier de transformation pour les entreprises, les filières et les consommateurs.
Il reste désormais quelques semaines cruciales avant le vote au Sénat est prévu pour le 10 juin 2025. Les intervenants de la conférence recommandent fortement aux acteurs du secteur d’engager un lobbying constructif auprès de leurs sénateurs, de mobiliser leurs communautés autour de cette loi et de participer à une sensibilisation massive du public sur les enjeux environnementaux et sociaux du modèle de la fast fashion.
Alors que l’Europe construit progressivement ses règles de transparence environnementale (notamment avec les Green Claims), la France prend les devants. C’est ce qui a été confirmé lors de la conférence dédiée aux réglementations françaises : le décret d’Affichage Environnemental des produits textile a été validé par la Commission européenne.
L’Affichage Environnemental est le fruit d’une demande forte exprimée par la Convention Citoyenne pour le Climat : « À chaque achat, le consommateur doit savoir ce qu’il achète. »
Cette demande a été transposée dans la loi Climat et Résilience (2021), et a donné lieu à un travail de fond, en partenariat avec les marques, les instituts techniques, et les pouvoirs publics.
La méthode française s’appuie largement sur le cadre européen PEF (Product Environmental Footprint), mais apporte quelques ajouts pour tenir comptes de plusieurs angles morts – reconnus par le Parlement européen lui-même :
La proposition méthodologique finale soumise à consultation fin 2024 a été validée par la Commission européenne. Les textes seront donc signés dès l’été 2025, après passage devant le Conseil d’État.
Dès la signature des textes, l’Affichage du coût environnemental des produits textile entrera immédiatement en vigueur et sera dans un premier temps volontaire, mais encadré.
Plusieurs marques pionnières, une dizaine à ce jour, ont déjà commencé à afficher leur score environnemental sur leurs produits. Ce score devra désormais être :
L’Affichage Environnemental n’est pas seulement une réponse aux attentes des consommateurs. C’est aussi un avantage concurrentiel pour les marques qui l’anticiperont.